Objectifs du thèmes 5 – aspects réglementaires et juridiques de l’urbanisme souterrain
Les politiques publiques visent, aujourd’hui, à répondre à un objectif double et complexe qui est celui de maîtriser l’étalement urbain tout en répondant à une demande accrue en matière de logements. Développer l’aménagement de l’espace souterrain pour certains usages pourrait constituer une alternative intéressante pour libérer du foncier en surface, à des fins notamment de construction de logements. Ceci implique dans un premier temps de connaître l’état du sous-sol, pour savoir si l’opération projetée est réalisable ou non, et sous quelles conditions. Au-delà des questions d’opportunité économique et de faisabilité technique d’un tel projet, il importe de maîtriser les règles applicables au sous-sol.
- Etat des lieux croisé du cadre juridique de l’aménagement du sous-sol
- Repérage et synthèse des principaux freins et obstacles à un aménagement multifonctionnel et à un usage urbain
- Repérage et établissement de fiches comparatives des bonnes pratiques métropolitaines à l’étranger
- Audit des sites d’études : confrontation du droit à la pratique
- Propositions pour une meilleure utilisation des outils juridiques disponibles et pour l’évolution de certaines règles de droit de façon à favoriser l’aménagement souterrain
Aspects juridiques de l’aménagement souterrain
L’objet de la présente étude est de faire un état des lieux global de la réglementation applicable en vue de la réalisation d’ouvrages souterrains, principalement dans les domaines suivants : propriété, urbanisme et environnement, et gestion des risques.
Il existe peu de règles propres au sous-sol, si ce n’est dans des domaines spécifiques comme l’exploitation minière. Le sous-sol est ainsi largement soumis au droit qui s’applique « en surface », tout simplement parce que, le plus souvent, le droit ne distingue pas entre le dessus et le dessous. L’application de ces règles à l’espace souterrain peut être source d’interrogations et parfois ressentie par les acteurs de l’aménagement du sous-sol comme un obstacle.
Trois questions ont été abordées :
- L’appréhension volumétrique de l’aménagement souterrain
- L’aménagement souterrain et les régimes de protection
- L’urbanisation du sous-sol
Tout comme en surface, l’aménagement et la conception des espaces souterrains sont conditionnés par un certain nombre de règles, qui prennent différentes formes, afin de prévenir le risque, voire d’en atténuer les effets. Les ouvrages souterrains sont susceptibles d’être confrontés principalement à trois types de risques : technologique, naturel et d’incendie.
Risques naturels et technologiques
Pour ces deux premiers types de risques, l’Etat élabore et met en œuvre des Plans de Prévention des Risques (PPR) qui définissent des périmètres à l’intérieur desquels la construction est limitée ou conditionnée en fonction de l’intensité du risque. Ces restrictions s’appliquent de la même façon aux ouvrages en surface et enterrés, le risque pouvant trouver sa source, selon les cas, du sous-sol lui-même (mouvements de terrains, remontées de nappes phréatiques) installations classées enterrées) ou non.
Parmi les risques naturels, et s’agissant du risque « mouvement de terrain », il faut en outre mentionner le rôle de l’inspection générale des carrières (IGC) en Ile-de-France qui collecte les informations sur l’état des carrières souterraines – nombreuses dans cette région – et réalise une cartographie de celles-ci. L’IGC remplit également une mission de consultation dans le cadre de la délivrance des autorisations d’urbanisme.
S’agissant du risque d’inondations, à Paris et dans le cadre du Grand Lyon, le PPR prévoit que les gestionnaires de services publics identifiés (transports en communs, réseaux de distribution de fluides, établissements de soins aux personnes, établissements culturels et administrations recevant du public) élaborent des plans de protection contre le risque d’inondation (ex : plan RATP). Ces plans de protection constituent une sorte de déclinaison du PPRI dans la perspective de la survenance d’une crue. Le gestionnaire doit notamment exposer dans ce plan les mesures préventives destinées à diminuer la vulnérabilité de l’existant et les équipements futurs, et les mesures prises pendant la crue pour prévenir les dégâts causés par les eaux.
Risque incendie
La réglementation en matière protection contre le risque d’incendie s’applique à tous les ouvrages bâtis, qu’ils soient en surface ou enterrés. Néanmoins, certaines contraintes de conception sont accentuées en sous-sol, au vu de sa configuration particulière qui complexifie la maîtrise de l’incendie et les conditions d’évacuation. Il est à noter que dans la réglementation « incendie », la notion de sol et de sous-sol est fonction du « niveau moyen des seuils extérieurs » d’évacuation, et ne correspond pas nécessairement au niveau du sol naturel.
La réalisation d’ouvrages ouverts au public et les espaces de travail en sous-sol est en principe limitée. Ainsi, il ne peut y avoir d’Etablissement Recevant du Public (ERP) à plus de 6 mètres en dessous du niveau moyen des seuils extérieurs, à l’exception des parcs de stationnement (jusqu’à – 28 mètres) et des gares (qui peuvent être situées à plus de 30 mètres en dessous du niveau d’accès des secours sous réserves de mesures de sécurité accentuées). Par ailleurs, il ne peut y avoir de poste permanent de travail à plus de six mètres en dessous du niveau moyen des seuils d’évacuation, à l’exception des locaux dont la nature technique des activités le justifie.
Au-delà de la question des ouvrages à réaliser, se pose la question de la mise aux normes des ouvrages déjà construits, notamment en raison de l’évolution en termes de fréquentation par les usagers ou/et en termes de fonctionnalité. Dans ce cas, il faut avoir recours à une procédure de dérogation, menée en étroite collaboration avec la commission centrale de sécurité, qui aboutit dans quelques cas exceptionnels à l’élaboration d’une réglementation adaptée. A titre d’exemple, un corps de règles propre, s’inspirant à la fois de la réglementation des ERP et de celle des immeubles de grande hauteur, a été élaboré pour le Forum des Halles.
Par ailleurs, la mixité des usages, qui n’est pas toujours prévue par la réglementation (ex : espace partagé par des piétons et des véhicules automobiles), soulève elle aussi la question de l’élaboration de règles adaptées.
L’enjeu de sécurité des usagers poursuivi par la réglementation de protection contre les risques d’incendie est confronté à d’autres impératifs qui peuvent rendre la mise en œuvre de cette réglementation plus compliquée. Deux enjeux très différents sont abordés dans le rapport de synthèse : celui de l’accessibilité aux personnes handicapées, d’une part, et celui relevant d’un domaine beaucoup plus circonscrit – la défense nationale –, d’autre part. Dans le premier cas, la réglementation « incendie » prévoit des dispositions adaptées pour assurer la sécurité des personnes handicapées, quel que soit le type de handicap. Dans le second cas, les ouvrages souterrains relevant du ministère de la Défense n’étant pas, pour la grande majorité d’entre eux, des ERP (sauf les musées), ce sont les dispositions du code du travail relatives à la conception des lieux de travail qui s’appliquent. Elles se révèlent toutefois souvent inadaptées à la configuration particulière des ouvrages enterrés et aux exigences de sécurité militaires. Or, il n’existe pas à ce jour de textes spécifiques régissant la protection contre les risques d’incendie dans les ouvrages relevant du ministère de la défense ; les règles doivent donc souvent être ajustées à chaque ouvrage.
A partir de ces premiers constats, il ressort un certain nombre d’enjeux à partir desquels quelques propositions peuvent être formulées, avec une certaine précaution dans la mesure où elles sont très embryonnaires à ce stade de l’étude.
Clarifier les effets juridiques des règles d’urbanisme vis-à-vis des ouvrages enterrés
Il a été observé que l’aménagement souterrain est largement soumis à un droit qui distingue peu entre le sol et le sous-sol, à l’exception de quelques cas particuliers, comme en matière de sécurité incendie.
En droit de l’urbanisme, quelques incertitudes existent quant à l’opposabilité de certaines dispositions aux ouvrages profondément enterrés (ex : emplacements réservés). Pour une plus grande lisibilité de ces règles et une plus grande sécurité juridique, une clarification de la portée des grandes règles d’urbanisme, et en particulier celles contenues dans le PLU, serait opportune.
A cette fin, une réflexion pourrait être menée dans le cadre d’un groupe de travail donnant lieu à l’élaboration d’un guide à l’attention des élus pour améliorer l’écriture des documents d’urbanisme, ce qui contribuerait à créer les conditions favorables à un aménagement de la ville souterrain. L’accent pourrait être mis, dans un premier temps, sur une prise en compte des enjeux de l’espace souterrain et de son utilisation dans le cadre de l’évaluation environnementale des documents d’urbanisme.
Améliorer l’accès aux données juridiques et non juridiques du sous-sol
En matière de planification, le sous-sol est relativement peu envisagé sous l’angle d’un espace urbanisable. Toutefois, les élus ne disposent, à ce jour, que de données éparses sur le sous-sol de leur territoire. Il est nécessaire d’améliorer l’accès aux données du sous-sol, en commençant par les compiler à l’échelle d’un territoire, et en exploitant les outils de la géomatique pour faciliter leur utilisation – pour permettre notamment le croisement des informations sur un même secteur, par exemple à l’ échelle de l’aire métropolitaine.
Planifier autrement l’aménagement du sous-sol : le recours au dispositif contractuel
D’autres outils que les documents d’urbanisme intègrent certains aspects de la planification, en même temps que d’autres aspects liés à la programmation et au financement de projets urbains : les instruments contractuels. Ils présentent l’avantage de réunir plusieurs partenaires institutionnels ou/et opérateurs autour d’un grand projet, et d’un point de vue formel, bénéficient d’une certaine souplesse – plus ou moins grande, selon que le dispositif conventionnel est ou non encadré par les textes. En Ile-de-France, les Contrats de Développement Territorial (CDT) pourraient, par exemple, constituer des instruments d’appui pour le développement de l’urbanisme souterrain, si les acteurs faisaient le choix de s’en saisir à cette fin.
Gestion du risque : anticiper l’évolution des usages
La réglementation en matière de prévention et de gestion des risques est particulièrement complexe. Face à ces contraintes de sécurité – accrues s’agissant du risque d’incendie – il existe des exigences notamment en matière d’accessibilité. Ces contraintes sont accentuées dès lors que l’ouvrage est enterré, et la conciliation de ces divers enjeux en devient d’autant plus difficile.
La configuration de l’environnement souterrain implique de se poser dès la conception d’un ouvrage enterré la question de son évolution. Le défaut d’anticipation peut rendre difficile, voire impossible, la mise aux normes d’un ouvrage en sous-sol et donc son adaptation à de nouveaux usages (notamment en raison du coût économique de l’opération), le recours à la dérogation n’étant pas toujours envisageable. Or, il apparaît aujourd’hui que ce paramètre est insuffisamment pris en compte par les acteurs de l’aménagement.
Une sensibilisation de ces derniers et leur concertation avec les professionnels de la sécurité (commission centrale de sécurité, pompiers,…) sont les prérequis. Il faudrait probablement envisager, par ailleurs, un dispositif plus contraignant pour inciter les aménageurs ou/et constructeurs à mener une véritable étude prospective sur l’usage du bâti souterrain.
Actions de la tranche 2
Dans l’esprit de la démarche systémique du projet, les thèmes transversaux permettent d’assurer le croisement et l’articulation des quatre thèmes sectoriels, complétant ainsi les approches réalisées dans le contexte des sites d’aménagement à l’occasion des expérimentations prévues par les actions sectorielles. La première tranche a été consacrée à un état des lieux du contexte juridique et à la clarification du cadre règlementaire. En deuxième tranche, le projet analysera l’application pratique de ce cadre règlementaire sur les sites d’aménagement et engagera la réflexion sur les démarches prospectives conduites dans le cadre de la planification stratégique et des projets urbains.
Il s’agit d’une part, de clarifier le contexte juridique de l’aménagement du sous-sol, et d’autre part, de rechercher les moyens d’en réduire les effets bloquants pour sa valorisation et d’inciter les pouvoirs publics et aménageurs à favoriser l’aménagement souterrain. Le code de l’urbanisme a été pensé pour l’aménagement du sol, plus que du sous-sol. Par ailleurs, les règles juridiques (en matière de propriété, de domanialité, de protection de l’environnement et du patrimoine, et de sécurité) susceptibles de s’appliquer à l’aménagement du tréfonds sont éparses. Une meilleure appréhension du cadre juridique et prise en compte des spécificités des projets impliquant les espaces souterrains est indispensable, notamment pour y envisager le développement d’une mixité de fonctions ou d’usages. Cette tranche consistera à approfondir l’étude des règles cindyniques évoquées en tranche 1, et à réaliser une étude juridique à l’échelle régionale (Ile-de-France).
L’objectif de cette action est de mettre en évidence les conditions d’une meilleure prise en compte de la dimension souterraine dans la planification stratégique métropolitaine et dans les grands projets d’aménagement. Pour cela, on recensera les potentiels souterrains d’un site autour d’une gare du réseau de métro du Grand Paris, emblématique du renouvellement urbain francilien, on proposera des concepts de programmation et d’aménagement alternatif valorisant l’usage du sous-sol dans le cadre de la stratégie d’intensification urbaine fixée par le SDRIF et on en déduira des recommandations méthodologiques en terme de planification et de programmation.